Chez Hélène Olivier, fondatrice de Make It Happen Paris
24 novembre 2025
Hélène Olivier fait cohabiter l’ordre haussmannien et une fantaisie maîtrisée, sans que rien ne grince. À deux pas de l’Arc de Triomphe, son appartement respire l’équilibre : moulures restaurées, parquet point de Hongrie, jolie hauteur sous plafond. Mais c’est dans les détails que tout se joue.
Au centre de la salle à manger, un imposant vase bleu cobalt fait office de totem. Un mobile représentant le système solaire nous invite à lever les yeux au ciel. Des bustes classiques observent la scène avec une ironie discrète, tandis qu’une toile de Debens vient bousculer la partition. Rien n’est démonstratif ; tout est composé.
Hélène et ses enfants, Marnie et Marin, évoluent dans cet intérieur pensé pour vivre autant que pour regarder. Les fauteuils Platner dialoguent avec une suspension Noguchi, la platine côtoie les objets d’art, et l’ensemble s’accorde aux livres qu’elle collectionne davantage qu’elle ne les lit, de son aveu, non sans regret.
Fondatrice de Make It Happen Paris, agence spécialisée dans la conception d’événements pour les secteurs de la mode, du design et de l’art de vivre, elle a passé des années à penser l’événementiel comme un art de l’écrin : magnifier, accueillir, révéler. Son appartement en est la version intime : un lieu où se croisent souvenirs, curiosités, influences, et ce sens très personnel de la mise en scène qu’on n’acquiert qu’à force de cultiver son goût pour l’art et la décoration.
Ici, le décor n’est jamais figé. Il se refait au gré des saisons, des trouvailles, des invités, et il reste ouvert aux histoires qu’il reste encore à écrire.
| INTERVIEW |
GALERIE VERMEULEN
Comment votre regard sur l’art s’est-il construit au fil du temps ? Y a-t-il des expériences, des œuvres ou des découvertes qui ont façonné votre goût ?
HÉLÈNE OLIVIER
Je me souviens de “claques” artistiques qui ont jalonné ma façon de comprendre l’art et ont affiné ce qui deviendrait mon goût. Je pense notamment à un spectacle de danse contemporaine de Jan Fabre d’une sensualité indescriptible et dont je ne me suis jamais remise. Parmi les artistes qui m’ont marquée durablement, Francis Bacon et Gérard Garouste tiennent une place importante : leurs univers puissants ont accompagné ma construction du regard.
Si les peintres italiens de la Renaissance restent mes premiers repères, mon regard s’est formé au fil des années dans des événements comme Paris Photo ou la Biennale Paris (anciennement Biennale des Antiquaires), où j’ai découvert des œuvres et des objets très différents les uns des autres. Je chine aux Puces depuis des années, j’y vais presque chaque week-end. J’ai acheté mes premières pièces pour l’émotion très précise qu’elles faisaient naître en moi. La couleur y joue souvent un rôle important.
« Les œuvres en volume habitent l’espace différemment. Elles créent une singularité qui donne de la force à l’espace. »
GALERIE VERMEULEN
Y a-t-il des artistes ou des pièces qui occupent une place particulière chez vous ?
HÉLÈNE OLIVIER
Je privilégie les sculptures ; les pièces en volume habitent l’espace différemment. À la maison, il y a de nombreuses pièces de Gérald Schmite que j’achète dès que j’en ai l’occasion. J’aime aussi les bustes antiques. C’est un grand classique de la déco, aujourd’hui tout le monde en a chez soi, mais je suis vraiment passionnée par la Grèce antique et les dieux. J’ai découvert récemment les peintures de Debens, dont le travail est en rupture avec mes repères habituels, avec une géométrie franche qui vient bousculer mon équilibre. Ça réveille mes codes. De manière générale, je reste ouverte à tous les médiums, je ne m’interdis rien.
GALERIE VERMEULEN
Avec les années, votre regard a-t-il changé dans votre façon de choisir une œuvre ?
HÉLÈNE OLIVIER
Il y a quelques années, j’étais attirée par des œuvres coup de cœur sans penser à ce qu’elles s’accordent entre elles. Au fil du temps, cela a créé une sorte d’accumulation de type cabinet de curiosités
Aujourd’hui, je réfléchis aux liens entre l’art et le mobilier, aux circulations, aux volumes. Mais je reste attachée à l’idée qu’une œuvre choisie pour la bonne raison, l’émotion qu’elle déclenche, trouve toujours sa place.
« J’ai acheté mes premières pièces pour l’émotion très précise qu’elles faisaient naître en moi. La couleur joue souvent un rôle important.»
GALERIE VERMEULEN
Pour les amateurs de décoration d’intérieur et les nouveaux collectionneurs, avez-vous des conseils à donner ?
HÉLÈNE OLIVIER
Ne craignez pas de mélanger les époques et les styles. Passionnez-vous pour un artiste. Puis pour deux, puis pour trois. Découvrez son histoire, ses influences, son éducation. Vous comprendrez mieux son travail. Vous en serez émus. Ce sera le début d’un fil que vous ne lâcherez plus ; comme les amateurs de montres ou de voitures de collection.
GALERIE VERMEULEN
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui hésite à acheter sa première œuvre contemporaine ?
HÉLÈNE OLIVIER
Choisissez ce que vous aimez vraiment, sans suivre les tendances ou la cote d’un artiste (ce que de nombreux galeristes avec qui je discute déplorent chez les jeunes acquéreurs). L’art doit faire plaisir, l’art doit nous toucher, nous émouvoir, nous accompagner.
L’idée ne viendrait à personne d’écouter de la musique qu’il n’apprécie pas au prétexte que son compositeur est reconnu. C’est pareil avec l’art qui habille les murs de chez soi.
« Je reste attachée à l’idée qu’une œuvre choisie pour la bonne raison, l’émotion qu’elle déclenche, trouve toujours sa place. »
GALERIE VERMEULEN
Quelles sont vos adresses parisiennes pour découvrir ou acheter de l’art ?
HÉLÈNE OLIVIER
J’ai commencé à travailler avec la Galerie Vermeulen pour la curation d’art dans les lieux de mon agence Make It Happen. J’avais besoin de pièces fortes, pas simplement décoratives. C’est là que j’ai découvert les peintures de Debens. Depuis, je fais régulièrement appel à la galerie, autant pour mes projets professionnels que pour ma collection personnelle. J’apprécie la sélection, variée et accessible en ligne, ce qui m’a permis de travailler à distance sur le choix des œuvres avec mes clients étrangers, via le site qui devient très vite addictif.
Et puis il y a les Puces, on y trouve un peu de céramique, du design (Serpette surtout), et évidemment Paul-Bert et ses antiquités. On y déniche des pièces singulières, redécouvertes, qui portent leur histoire et viennent rencontrer la vôtre pour un temps. J’y ai récemment trouvé une applique murale Adonis de Cazenave, aujourd’hui posée sur ma cheminée. Et je rêve maintenant de dénicher Aphrodite pour les réunir au mur.