Exposition Iris van Herpen au musée des Arts décoratifs de Paris.

26 avril 2024

Parfois, la mode acquiert un tel degré d’exigence et de virtuosité formelle qu’elle se hisse au rang d’art plastique pour devenir un objet d’émerveillement qui donne à penser : c’est le cas de la haute couture que propose Iris Van Herpen, mise à l’honneur dans une exposition rétrospective au musée des Arts décoratifs de Paris jusqu’au 18 avril.

Il ne vous reste que deux jours pour découvrir le travail viscéralement singulier de cette créatrice de mode néerlandaise, probablement l’une des plus atypiques et inventives de sa génération. À travers un vocabulaire plastique aussi original que pléthorique dans lequel la faune et la flore occupent une place centrale, elle a construit en l’espace d’une quinzaine d’années une œuvre artistique d’une grande cohérence, fondée sur l’association de savoir-faire traditionnels et l’usage de nouvelles technologies telles que l’imprimante 3D et la découpe laser. À rebours de la fast fashion périssable, sa pratique se réinvente avec l’ambition de l’art contemporain. Dès la première salle, dans une semi-pénombre d’où émergent de pures créations visuelles, avènement de matériaux et de textures inouïes, on est immédiatement frappé par le caractère sculptural – art auquel le titre de l’exposition fait référence – de ses vêtements. Le choix du matériau est le point de départ de toutes ses créations : elle assemble des matières rarement employées par les stylistes, comme l’acier inoxydable, le silicone, le verre soufflé ou le plexiglas thermoformé, ces derniers côtoyant la soie ou l’organza (le visiteur pourra d’ailleurs apprécier un espace « atelier » où il est invité à toucher différentes matières utilisées par l’artiste).

Le parcours se déplie en neuf grandes sections thématiques dans une scénographie à l’atmosphère immersive, accompagnée par la création sonore de Salvador Breed : les qualités plastiques de ses vêtements y sont exaltées par un éclairage sur mesure qui permet d’en apprécier toutes les subtilités. Partout il est question de glissements, de métamorphoses et de mutations. C’est un monde qui fourmille d’idées et de matières, qui émerveille et effraie parfois : certaines de ses robes s’érigent en effet comme d’étranges insectes ou des compositions hybrides aux allures futuristes, tandis que les références au monde vivant peuplent ses créations, évoquant tantôt des animaux marins, des coraux ou des branchages ; d’autres semblent liquides, suggérant l’eau dans tous ses états : goutte, onde, écume… L’une des sections de l’exposition prend la forme d’un cabinet de curiosités qui recompose les motifs de son inspiration (insectes, fleurs, coquillages, autant d’éléments que l’on retrouve dans ses créations). Si les éléments naturels irriguent son œuvre, elle se nourrit tout autant de références issues de l’art contemporain, de la danse que du design ou de l’architecture, et enfin de la science. L’impressionnante productivité d’Iris van Herpen et le foisonnement des formes, matériaux et techniques dont témoigne cette exposition produit un véritable vertige visuel, en d’autres termes une expérience rare qui libère les possibles de la mode.

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Pour aller plus loin : catalogue de l’exposition Iris Van Herpen. Sculpter les sens, Chloé Pitiot et Louise Curtis [dir], ed. Lannoo, 2023. / Site internet de l’exposition : https://madparis.fr/Expo_IrisvanHerpen / Site internet de la créatrice : https://www.irisvanherpen.com/