La maison Poiret, histoire d’une renaissance

13 novembre 2020

Oubliée depuis près d’un siècle, la maison Paul Poiret vient de présenter sa nouvelle collection automne-hiver 2018-2019 à un public très attentif. Ce premier défilé se déroulait sous la nef du Musée des Arts Décoratifs, à l’occasion de la Fashion Week de Paris. Retour sur les grandes étapes de la renaissance de la griffe Poiret.

La maison Poiret, saga d’un nouveau départ

Tout commence en 2005, les héritiers de Paul Poiret retrouvent par hasard quelques créations oubliées du couturier. Exposées un temps par Azzedine Alaïa, un de ses grands admirateurs, puis vendues aux enchères, elles sont acquises par le Metropole Museum of Art de New York qui organisera une rétrospective de la griffe en 2007. Ses événements successifs vont relancer l’intérêt pour la marque et aiguiser l’appétit des investisseurs. Après être passés entre les mains d’une société luxembourgeoise, les droits de la maison sont finalement rachetés par Shinsegae International en 2015, une enseigne de luxe sud-coréenne qui souhaite relancer la marque. Ces opérations se font dans un contexte de réouverture d’anciennes maisons de couture, telles que Balenciaga, Carven, Schiaparelli, Vionnet ou Worth.

Le renouveau de Poiret placé sous des identités compatibles avec les besoins des investisseurs

C’est sous la houlette de la femme d’affaires belge Anne Chappelle, PDG de la marque, qui a notamment accompagné le développement des maisons Ann Demeulemeester et Haider Ackermann, et d’Yiqing Yin, directrice artistique, styliste franco-chinoise diplômée de l’Ensad (Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs), que se fait le retour de Poiret. Yiqing Yin, connue pour son travail du plissé et son goût pour le minimalisme, a travaillé à partir de documents d’archives pour réaliser cette première collection, tout en réactualisant le style du couturier. Paul Poiret avait libéré la silhouette des femmes en les affranchissant des contraintes imposées par le port du corset et en imaginant des vêtements dans lesquels elles pouvaient vivre et bouger librement.

La nouvelle collection Poiret, alliance de tradition et de modernité

On retrouve dans cette nouvelle collection la pièce emblématique du couturier, le kimono, et aussi son goût pour les belles étoffes chatoyantes et les motifs orientalistes. Les vêtements sont amples, mais non dénués de sensualité. Toujours dépourvus de boutons, ils sont zippés, ou à pans croisés et simplement fermés par une ceinture. Le goût de la créatrice pour les plissés se retrouve dans de longues jupes frôlant le sol. Elle mêle à ces reprises du style Poiret, des pièces plus actuelles, doudounes, parkas et blousons en cuir. Son idée maîtresse n’est pas d’exhumer des pièces du siècle passé, mais bien de s’en inspirer pour inventer une mode répondant aux besoins de la femme de 2018.

Pourquoi relancer Poiret, une griffe oubliée depuis si longtemps ?

Beaucoup attendaient cette collection Poiret d’un œil circonspect. Certains se demandaient à qui pourrait bien s’adresser une mode placée sous l’influence d’une maison de couture disparue depuis 1933. C’est sûrement oublier que les grandes marques de mode réalisent avant tout leur chiffre d’affaires non pas avec les vêtements, qui s’adressent seulement à une poignée de clientes, mais bien plus avec les parfums, chaussures et accessoires qui, eux, s’adressent à des millions de femmes à travers le monde. Monsieur Poiret l’avait d’ailleurs bien compris en son temps, en étant le premier couturier à s’intéresser aux parfums et à la décoration d’intérieur. Il utilisait déjà la publicité, collaborait avec les artistes et habillait les stars de son époque. Cela ne rappellerait-t-il pas quelques procédés en tous points très actuels ?