Louvre couture : le musée rhabillé par la mode

01 août 2025

De plus en plus présente dans des lieux d’exposition ces dernières années, la mode est cette fois-ci entrée pour quelques mois dans le temple de l’art pour s’y faire une place de choix. L’initiateur de ce projet inédit n’est autre qu’Olivier Gabet, ancien directeur du musée des Arts Décoratifs et actuel directeur du département des Objets d’art du Louvre. Familier de l’histoire de la mode, il avait déjà organisé une importante exposition sur Christian Dior qui avait fait date. Louvre couture constitue un véritable événement dans la mesure où il ne s’agit pas, comme on a pu le voir ces dernières années dans différents lieux, d’un espace distinct cédé à un art que l’on considèrerait comme mineur, mais d’une cohabitation heureuse avec les collections du vénérable musée. En retour de ce gage de prestige muséal, la mode apporte son éclat fugace et ses nouveaux publics. Elle sert ici en quelque sorte d’appât pour encourager la visite de départements moins prisés du grand public : en effet, les textiles – prêtés par quarante-cinq maisons de couture françaises et internationales – sont distribués au long d’un vaste parcours à travers les collections du musée, le visiteur se retrouve donc naturellement porté à parcourir une grande partie du département des Objets d’art dont il n’aurait sans doute pas fait sa destination prioritaire.

Le musée du Louvre accueille ainsi au sein de son département des Objets d’art une sélection de pièces représentatives de l’histoire de la mode à partir des années 1960, constituées d’une centaine de silhouettes et d’accessoires – fait d’autant plus notable qu’à quelques rares exceptions près, le Louvre ne conserve pas de vêtements. Le département se transforme en une vaste chambre d’échos où des dialogues se nouent entre les collections et les invités textiles. Jamais les liens entre l’art et la mode n’ont paru si évidents et si étroits grâce notamment à la talentueuse scénographe Nathalie Crinière à qui l’on doit une mise en espace et en lumière particulièrement réussie dans sa façon d’intégrer la mode aux collections préexistantes. Présentées sur des podiums au revêtement réfléchissant ou discrètement insérées dans des décors, les silhouettes se détachent sans faire de l’ombre aux objets permanents.  

Olivier Gabet compare le Louvre à un vaste moodboard, terme fréquemment employé dans le domaine de la mode et qui désigne un tableau de travail fait de juxtapositions d’idées et de visuels qui permettent de définir le style d’une collection. Le musée du Louvre constitue à de multiples titres une référence pour de nombreux couturiers qui sont venus y puiser des idées et des formes, à l’instar de Karl Lagarfeld qui en était un visiteur assidu et érudit. Les couturiers ont souvent mêlé l’art à leur pratique, comme Christian Dior, auteur d’une robe de soir de 1949 qui porte le nom du musée et inaugure l’exposition de son élégance noire et blanche, parsemée de broderies virtuoses de Lesage. Les parallèles existant entre les objets d’art et l’art de la haute couture sont en outre nombreux, à commencer par les savoir-faire qu’ils partagent. Dans la section correspondant au Moyen Âge, où les matériaux précieux tels que l’or et l’ivoire sont très présents, des tenues évoquant ces richesses ont été soigneusement sélectionnées. Citons encore la robe-armure de Balenciaga en résine imprimée en 3D et chromée, les broderies de Nicolas Ghesquière inspirées des marqueteries Boulle ou la robe « Cathedral » d’Iris van Herpen avec une impression en 3D couverte de cuivre par électrolyse. Ailleurs c’est une robe du soir de Versace de 1997 entièrement conçue dans un mesh métallique doré brodé de croix grecques qui rend hommage au tableau reliquaire de la Vraie Croix. Tout de velours de soie noire brodée de fils métalliques argent et or, le Manteau d’officier de l’ordre du Saint-Esprit datant de 1722 (l’une des rares pièces textiles du musée) renvoie quant à lui ses lumières à la robe-flammes de la Maison Schiaparelli en 2022 ou aux rais d’or de celle d’Olivier Rousteing pour la Maison Balmain en 2023.

Objets d’art et créations textiles ne cessent de réfléchir leurs proximités en abolissant le temps et les catégories artistiques habilement redistribuées devant nos yeux dessillés. Foisonnant parcours que celui proposé par le grand musée parisien pour encore quelques semaines jusqu’à la fin du mois d’août, invitation à prendre davantage au sérieux la mode et à aborder les collections du Louvre avec un regard résolument plus ouvert.

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Pour en savoir plus :  catalogue de l’exposition Louvre couture : objets d’art, objets de mode, Olivier Gabet [dir], La Martinière, 2025.