Dior et le New Look : l’avènement d’une nouvelle silhouette
24 décembre 2024
Parmi les nombreuses inventions de celui qui fut galeriste puis illustrateur avant de devenir le couturier que l’on connaît, le New Look demeure probablement l’une des plus brillantes : elle fait entrer Christian Dior dans l’histoire de la mode avec un succès fulgurant dès son premier défilé en février 1947. Cette nouvelle esthétique – baptisée « new look » par la fameuse rédactrice en chef du Harper’s Bazaar Carmel Snow lors du défilé inaugural de la maison désigne une silhouette ultra-féminine aux épaules doucement arrondies, la poitrine haute et la taille étranglée, libérant sous la ceinture un évasement généreux. Il s’agit de faire oublier le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale et l’austérité qu’elle fit régner sur le monde du vêtement en proposant des tenues plus longues avec davantage de tissu (on parle d’une vingtaine de mètres pour la confection d’une seule robe). Pour obtenir cet effet de volume, les tissus sont doublés, tandis que corsages et bustiers sculptent avantageusement la silhouette. Cette profusion textile n’est pas du goût de tout le monde et l’on ne saurait se contenter de ce récit idyllique d’un style fédérateur : s’il remporte l’adhésion d’un large public féminin privilégié, il choque aussi. Les féministes américaines notamment critiquent ces jupes qui s’allongent à nouveau, tandis que les cascades de tissus détonnent dans un contexte de sortie de guerre et de rationnement. Mais pour Christian Dior, cette outrageuse opulence est précisément la réponse radicale à des années de privation, un retour à la vie et à ses joies. Une robe est selon lui une « architecture éphémère destinée à exalter les proportions du corps féminin ». Ses lignes « En huit » et « Corolle » prennent leurs distances avec les formes sévères des années 1930 et 1940 pour s’épanouir dans des tissus somptueux qui exacerbent la féminité et suggèrent des morphologies florales. Son tailleur « Bar » (en référence au bar du Plaza Athénée à proximité de la maison Dior), avec sa veste structurée et sa jupe évasée reste aujourd’hui un grand classique de la mode, régulièrement revisité.
Le photographe Irving Penn a contribué à fixer dans l’histoire cette silhouette qui a également beaucoup inspiré le cinéma, par exemple la costumière Edith Head pour Grace Kelly dans Fenêtre sur cour. À la fin des années 1940, Dior habille déjà la plupart des stars du cinéma, notamment Bette Davis à laquelle il voue une admiration toute particulière. Elle contribue à populariser son New Look, de La Garce à All about Eve. Rita Hayworth compte également parmi les premières actrices à s’enthousiasmer pour cette nouvelle ligne ; elle lui achète plusieurs ensembles et porte la robe « Soirée » pour la présentation de Gilda. À leur suite, d’autres nombreuses comédiennes élisent le couturier pour s’habiller dans leurs fictions et à la ville : Marlène Dietrich, Olivia de Havilland, Ava Gardner, Marilyn Monroe, Elizabeth Taylor ou encore Lauren Bacall contribuent à la promotion du New Look et de façon plus générale à la maison Dior. Le couturier a en effet participé à la création de garde-robes et de costumes pour nombre de films.
Au-delà du style qui le fit connaître, on retrouve certaines de ses pièces chez Stanley Donen, François Truffaut, Luis Buñuel, Woody Allen ou Pedro Almodóvar, en d’autres termes les plus belles vitrines en mouvement dont puisse rêver un couturier pour immortaliser ses silhouettes.
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Pour en savoir plus : Marie-France Pochna, Christian Dior, un destin : biographie, Flammarion, 2021. / Dior : la révolution du new look, Musée Christian Dior, Rizzoli International, 2015. / www.galeriedior.com / www.musee-diorgranville.com