Dolce & Gabbana au Grand Palais : un grand spectacle baroque et tapageur

31 mars 2025

Alors que la mode se fraie un chemin de reconnaissance dans les plus hauts lieux de l’art depuis quelques mois, la célèbre marque italienne Dolce & Gabbana s’est installée au sein du majestueux Grand Palais. 

Domenico Dolce et Stefano Gabbana se rencontrent à Milan au début des années 1980 et ouvrent leur studio de conseil en design, avant de fonder quelques années plus tard leur propre marque ; ils allient leurs deux noms qui demeureront indissociables et synonymes d’un prestige dont cette exposition se fait l’étincelante vitrine. Si l’on peut s’interroger sur l’association parfois ambiguë de lieux culturels avec des entreprises privées, c’est-à-dire sur une forme d’indécision entre art et produit (nombre de réalisations sont exposées comme des œuvres d’art mais sans véritable perspective critique), il n’en demeure pas moins un spectacle qui assume son lustre et ses outrances avec un certain panache. 

Jusqu’à début avril, on peut donc assister à une expérience visuelle totalement baroque dans laquelle s’est personnellement impliquée le duo, en s’entourant des mains les plus habiles. Un tourbillon de matières et de couleurs émerge dans une mise en scène opératique : soies en cascade, dentelles et passementeries composites, brocarts, verreries aux formes sophistiquées et aux tonalités chatoyantes… L’exposition rend hommage à leur style protéiforme avec une ambition plus spectaculaire que didactique, en célébrant la dimension artisanale de leur travail. Elle met en effet d’emblée en avant le savoir-faire de la marque en intitulant la première salle du parcours fatto a mano et en reconstituant un peu plus loin l’atelier des couturiers. Il est à double titre question d’artisanat, à la fois dans la réalisation par des couturiers chevronnés de leur haute couture, mais également par rapport aux sources de leur inspiration, puisée dans des savoir-faire traditionnels de différentes régions italiennes (les couleurs des faïences de Capri ou la vannerie de roseau des Pouilles sont transposées dans leurs textiles tressés et dans leurs broderies). 

On traverse au fil des onze salles et de plus de deux-cent créations une succession de propositions de mode émancipées de toute chronologie, au profit d’un parcours à la théâtralité revendiquée. Dans un enchaînement de séquences plus saisissantes les unes que les autres, le visiteur se voit ainsi immergé dans les univers de la Rome antique, de l’opéra, du cinéma, du ballet… Comme dans l’art baroque, tout semble destiné à émouvoir et impressionner, chaque vêtement est là pour frapper l’œil. L’extravagance et l’audace caractérisent l’ensemble de leur création qui ne semble mettre aucune limite aux associations de matières et aux mariages de couleurs, rendant obsolètes les catégories du bon et du mauvais goût. Leur palette se diversifie de salle en salle, des couleurs criardes empruntées à la Sicile au silence du blanc, en passant par l’or et le noir. Oscillant entre le sacré et le profane, entre les citations populaires et les beaux-arts, les références cohabitent dans une généreuse hétérogénéité : la grande histoire de l’art pictural italien (Raphaël, Le Caravage, Titien, Botticelli…) et son architecture (la galerie du Palais Farnèse de Rome) côtoient les traditions folkloriques siciliennes ou encore le septième art à travers une salle entièrement consacrée au Guépard de Luchino Visconti. Leur style absorbe toutes les influences et les réagence en un éblouissant patchwork. 

Ce déploiement d’effets n’est pas sans produire une certaine saturation visuelle tant les couleurs, les matières, l’ornementation profuse surenchérissent de flamboyance et d’excentricité ; on ressort repus de ce grand spectacle baroque qui ravira ceux qui aimaient déjà la marque et conquerra les adeptes d’une mode virtuose et tapageuse.

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Pour en savoir plus :  catalogue de l’exposition Du Cœur à la Main : Dolce & Gabbana, Florence Müller [dir], ed. Rizzoli, 2025. / Luke Leitch & Ben Evans, Dolce & Gabbana, ed. Quadrille, 2017. / Peter Howarth, Icons : Dolce & Gabbana, 1990-2010, ed. Mondadori Electa, 2011. / Site internet de l’exposition : https://www.grandpalais.fr/fr/evenement/du-coeur-la-main-dolcegabbana . Site internet de la marque :  www.dolcegabbana.com